OPÉRATION TORCH - Conséquences

Document "emprunté" par Jacques Zermati

Document "emprunté" par Jacques Zermati



Lettre de José Aboulker à l'Amiral Darlan

Création le 17 juin 2011

Jacques Zermati, un des chefs de la Résistance à Alger, raconte :

- Le 8 novembre 1942, nous avions gagné, mais le 9 novembre, nous avions perdu !

 
Le pouvoir était resté aux mains de Vichy, grâce aux Américains.


 D'abord sous les ordres de l'amiral Darlan, puis après son assassinat, sous ceux du général Giraud, le "pion" que Roosevelt a voulu opposer à De Gaulle. Le général Giraud a poursuivi la même politique vichyste.

Ce fut encore une période bien triste pour les Juifs et les Arabes. Lors de la mobilisation générale, les Juifs, jusqu'au grade de lieutenant furent versés dans des unités de pionniers, (bataillons de travailleurs) pour qu'ils ne puissent se prévaloir de titres militaires après la guerre ; Arabes et Juifs ne touchaient que la moitié de la solde des Européens.


Zermati, étant "officier de jour" dans une de ces unités de pionniers, pénétra un beau soir dans le bureau du commandant du camp et "récupéra" dans un tiroir les directives "Darlan" et "Giraud". José Aboulker, l'âme de la Résistance algéroise, qui avait déjà envoyé une lettre comminatoire à Darlan, sans réaction, mit sous les yeux de Giraud, peu de temps après, ces directives volées par Jacques Zermati. Et Giraud eut la "bonne" réaction : Les pionniers furent aussitôt mutés dans des compagnies du train des équipages (qui n'étaient pas non plus des unités combattantes) !

Faire déserter les hommes de l'armée Giraud pour rejoindre les Forces Françaises Libres en Tripolitaine, devint la principale occupation des Résistants désœuvrés : Les camions militaires traversaient de nuit la frontière algérienne, à la boussole, et à la barbe des gendarmes, en direction de Benghazi où se formait l'armée de la France Libre. L'armée Giraud a ainsi fondu de près de 10 000 hommes ! Mieux encore, un officier a, de sa propre initiative, décidé, comme ça, de créer le 3ème bataillon d'infanterie de l'air, ex nihilo, (pourquoi troisième ? mais pour faire bien !) ; ce bataillon est devenu le 3ème régiment chasseur parachutiste, puis le 3ème SAS (Special Air Service), qui a été parachuté à l'arrière des lignes allemandes lors de la libération de la France. Mais ceci est une autre histoire.

Pour en revenir au Général Giraud, celui-ci se voyait déjà commandant en chef des opérations futures et provoquait l'ahurissement consterné des généraux américains. Et Jacques Zermati, qui avait assisté à un déjeuner réunissant Giraud et les Américains, n'en revenait pas lui-même. Un jour que, dans un café, Zermati discutait avec Raphael Aboulker, cousin de José Aboulker sur leurs aventures, un voisin vient à leur table, les félicite et continue :
- Le général Giraud, quelle voix de chef !

 
Raphael se met à rigoler, et après être sorti du café raconte le fin mot de l'histoire. Giraud aurait du prendre la parole à la radio d'Alger le jour J, mais les discussions avec les Américains s'étaient prolongées, et le jour J, Giraud n'était pas là. Alors Raphaël et son frère avaient improvisé un laïus patriotique, que le frère avait déclamé à la radio à la place de Giraud …


La morale de cette histoire est qu'elle n'était pas glorieuse :
- Ni pour les Américains, même s'il était préférable qu'ils passent pour des héros, leurs bateaux n'étaient pas adaptés, leurs officiers n'étaient pas toujours véritablement opérationnels ;

- Ni pour l'armée française qui a été dupée et manœuvrée ;

- Ni pour la population qui a du supporter pendant des mois de plus le même régime de Vichy.

 
Quant à de Gaulle, pas mis au courant, et furieux d'être mis devant le fait accompli, la bienséance commande de ne pas rapporter sa première réaction. 


Mais il se rattrapa largement avec un très beau discours :
- Les alliés de la France ont entrepris d'entraîner l'Afrique du Nord française dans la guerre de libération. Ils commencent à y débarquer des forces énormes. Il s'agit de faire en sorte que notre Algérie, notre Maroc, notre Tunisie constituent la base de départ pour la libération de la France. Nos amis américains sont à la tête de cette entreprise … … Méprisez les cris des traîtres qui voudraient vous persuader que nos alliés veulent prendre pour eux notre Empire. Allons ! voici le grand moment ! Voici l'heure du bon sens et du courage. Partout l'ennemi chancelle et fléchit. Français de l'Afrique du Nord ! Que par vous nous rentrions en ligne, d'un bout à l'autre de la Méditerranée, et voilà la guerre gagnée grâce à la France !

A sa manière, il ne manquait pas d'air, mais il n'empêche que cette opération de Résistance, menée à son insu, et habilement récupérée, fut la première opération armée de la Résistance française. Si elle n'avait pas réussi, les Américains n'auraient pas pu débarquer, ou alors auraient peut-être été rejetés à la mer. Il aurait bien fallu 2 ans pour refaire un autre débarquement. Les Allemands étaient capables d'envahir l'Afrique du Nord et y avoir la victoire finale.
Il y aurait peut-être eu combats entre une Armée d'Afrique intacte et des Américains non aguerris, en même temps que la conquête de l'Algérie par les Allemands, jusqu'à Alger au moins. 


Le général américain Marshall aurait alors prévu un retour à son plan initial, soit un débarquement en France dans l'année 43, qui eut été un échec cuisant … avec à la clé la domination du III ème Reich !